Seul le prononcé fait foi

Intervention de Taylan COSKUN, conseiller régional PCF d’Île-de-France, aux obsèques de Robert STEINEGGER, au nom du Parti communiste français et des élus communistes.

Je salue tout d’abord la famille de Robert.

Monsieur le député-maire honoraire,

Mesdames, Messieurs les élus,

Mesdames, Messieurs,

Je souhaite excuser notre maire, Patrice BESSAC, qui est en province et qui n’a pas pu venir en personne rendre hommage à Robert STEINEGGER.

Robert !

Ceux qui l’ont connu ne peuvent l’oublier. Comme il était, il marquait les esprits.

Sa démarche discrète, dans son éternel costume ne le dissimulait pas mais le rendait reconnaissable entre mille. Sa discrétion le distinguait.

Sa gentillesse et son humour subtil captivaient l’attention de ceux qui l’écoutaient.

Sa surdité, qu’il devait à son métier d’ajusteur chaudronnier faisait pencher vers lui les autres. Même si chacun d’entre nous, qui l’avons connu, s’est demandé à un moment ou à un autre jusqu’où cette surdité était feinte.

Robert était comme un aimant: il faisait venir les autres vers lui. Une façon pour lui d’aller vers les autres.

Il était attaché à son Parti communiste français. Sa façon de signifier cet attachement était aussi en toute discrétion mais inoubliable. C’est au revers de sa veste, qu’il soulevait quand on était dans ses parages, qu’il arborait un médaillon représentant les outils, la faucille et le marteau ou un portrait de Lénine. Il montrait cela comme on montre un trésor caché. Il rendait la chose désirable pour les curieux comme pour les passionnés.

Toute sa façon d’être était singulière.

Il n’était pas de ces politiques ordinaires qui exhibent leur parler haut et les arguments massues pour briller et vaincre les adversaires.

Il était à l’opposé de la politique spectacle – sensée intéresser les gens aujourd’hui-. Lui, savait intéresser sans brutaliser les autres, ni faire briller à bon compte sa personne.

Il savait convaincre sans pour autant vaincre ni humilier.

Je me rappelle d’une anecdote caractéristique. Il était maire-adjoint aux Affaires sociales. La mairie avait décidé de diminuer le filet garni offert en fin d’année aux personnes âgées. Trois photos de Montreuil d’avant avaient été éditées en carte postale. On en offrait une en compensation.

Ce sont les élus qui les portaient personnellement aux intéressés. Mais ils en revenaient l’air contrarié voire la mine défaite; les personnes âgées étaient mécontentes de ce cadeau de substitution.

Tous les élus, sauf Robert. Lui, allait voir les gens avec les 3 cartes postales. Il leur demandait d’en choisir une. Et une fois que le choix était fait, la personne n’osait plus contester le cadeau dont il avait elle-même reconnu les mérites. Ça c’était du Robert!

Nombre d’anecdotes comme celle-ci doivent vous venir à l’esprit.

Avec son air candide et discret il était capable d’accomplir de grandes choses.

C’est ainsi qu’il a exercé en finesse toutes les fonctions qu’il a occupées.

Secrétaire de la section de Villiers dans les années 80-90, secrétaire de cellule, Robert a été élu au conseil municipal le 20 mars 1977. Il a été nommé syndic en 1983, il était affecté aux bâtiments publics, à la sécurité, à l’État civil et aux affaires générales.
En 1989, il est devenu l’adjoint chargé des affaires sociales. Il le restera jusqu’en 1995. Il a été ensuite maire-adjoint honoraire.
Il s’est occupé aussi de la coopération internationale.
En tant qu’élu aux affaires sociales, il a mis en place les premières mesures d’aide pour les SDF. Distribution de soupe populaire et la mise à l’abri des SDF à la gare Sncf de Noisy-le-Sec.
Avec son épouse Micheline (Bibiche pour ceux qui la connaissaient), que nous avons perdue en 2013, Robert avait fondé l’association solidarité accueil Montreuil pour prendre soin des personnes en difficulté.
Micheline avait été pendant des années dirigeante du secours populaire. Ensemble, ils ont consacré leur énergie qui semblait inépuisable aux démunis.
Ni Robert, ni Micheline n’ont oublié d’où ils venaient; leur appartenance à la classe ouvrière.
Comme militant et comme élu Robert a toujours agi en fonction de cette fidélité première dont découlaient ses autres fidélités: à son parti, à sa ville, à la municipalité et à son maire.
Quand ses fidélités entraient en conflit, Robert n’aimait pas ça.
Je l’ai rencontré, il y a de ça quelques années, au musée de l’histoire vivante dont il a été co-Président, lors de l’inauguration d’une exposition sur le Vietnam. Après avoir échangé sur la vie comme elle va, je lui ai proposé de prendre notre parti à des élections qui mettait à mal ses fidélités. Il a touché son sonotone m’a dit qu’il entendait mal. Et puis s’est tourné vers le mur d’exposition et ne m’a parlé que de l’excellence de ce lieu qu’il affectionnait tant. J’avais compris. Je l’embêtais. Ce qui ne l’empêcha pas plus tard de prendre parti à part soi et de bonne manière.
Il était comme ça Robert. Il avait la bonne manière de faire ce qu’il avait à faire et l’art d’esquiver avec élégance ce qui ne lui plaisait pas.

C’était un homme délicieux.

Un communiste fidèle à la classe ouvrière.

Un élu attentif au sort d’autrui.

Un élu dont le pouvoir n’a jamais tourné la tête. Il était de ces élus communistes venus de la classe ouvrière qui font leur travail comme on accomplit un sacerdoce, sans se mettre personnellement en avant.

Dans les dernières années de sa vie il disait qu’il avait cessé de faire de la politique contemporaine. Bien sûr, il continuait pour autant à penser librement ce qu’il pensait.
Par contre, je trouve qu’il y a une autre vérité derrière sa boutade: c’est que sa façon d’être et de faire de la politique avait quelque chose qui n’est pas que contemporaine. Je pense qu’il était exemplaire pour nous aujourd’hui et à l’avenir.

Nous le regretterons et c’est peu dire.