Mercredi 30 octobre, Jean-Marie Doussin, est intervenu au nom des communistes de Montreuil, et Patrice Bessac au nom de la municipalité, lors de l’hommage rendu à Jacqueline Tamanini.

Avec la disparition de Jacqueline, ce sont les pages d’un grand livre d’histoire qui se tournent; car sa vie au côté de Daniel, son mari, est d’abord celle d’un parcours étroitement associé à celui de l’histoire des luttes, à celle du Parti communiste français, l’histoire d’un engagement désintéressé et sans faille au service de l’émancipation humaine et de l’idéal communiste.

En ce sens, cette histoire est la nôtre, Jacqueline fait partie de notre identité commune.

De sa naissance, dix mois après le congrès de Tours et la création du PCF, jusqu’à sa disparition, sa vie est celle d’une «combattante des jours heureux», comme l’a si bien écrit le journal L’Humanité.

C’est d’abord dans sa famille qu’elle a puisé le vrai sens de la vie. Son père, mobilisé en 1914, était revenu de la guerre profondément marqué par l’enfer de Verdun et avec la volonté de tout faire pour que le monde ne connaisse plus jamais ça.
Il était membre du Parti communiste, tout comme sa maman, qui militait activement au sein du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme. Jacqueline évoquait aussi souvent son grand-père Paul, anarchiste et communard, fort en gueule et grand défenseur de la classe ouvrière.
C’est cette ambiance familiale qui forgea son engagement.

En 1937, à 16 ans, elle rejoint l’Union des jeunes filles de France (ancêtre du MJCF), où elle côtoie sa présidente Danielle Casanova, et au sein de laquelle elle participe activement aux campagnes de solidarité avec l’Espagne républicaine.
Puis elle adhère au PCF en 1938.
Son entrée dans la Résistance dès juillet 1940, au sein du Front national – mouvement de la Résistance intérieure française créé par le Parti communiste –, se fait naturellement.
Elle sera agent de liaison et participera activement au regroupement de la jeunesse patriotique et à son organisation sur la banlieue est de Paris.
Elle sera une de ces héroïnes actives, courageuses et désintéressées, jusqu’à son arrestation en Bretagne en août 1943 par la police française.
Elle subira toutes les souffrances de l’enfermement, les humiliations, avant d’être déportée à Ravensbrück en mai 1944. Elle a 23 ans.

C’est au côté d’une autre femme immense, Marie-Claude Vaillant-Couturier, qu’elle va chercher à survivre, malgré les terribles conditions du travail forcé et grâce à la solidarité et à l’action clandestine.

Après la terrible marche de la mort, avec la libération du camp par l’armée soviétique et son rapatriement en France en juin 1945, elle pourra rentrer chez elle à Montreuil.

Elle y retrouve André, son frère, lui aussi déporté à Auschwitz-Birkenau puis à Dora, et, bien sûr, Daniel, son fiancé, déporté à Buchenwald. Elle ne retrouvera pas tous ses amis et camarades, hélas morts ou disparus dans l’enfer concentrationnaire.

Dès lors, on le sait, comme une mission sacrée, Jacqueline consacrera toute son existence, au travail de mémoire sur les camps de la mort, pour aider les jeunes générations à refuser l’indicible, le fascisme d’hier et ses résurgences d’aujourd’hui.

Avec son mari Daniel, couple fusionnel s’il en est, on peut dire qu’ils ont joué un rôle décisif pour contribuer à la renaissance du musée d’histoire de Montreuil. Et plus que jamais elle conservera cet engagement et cette fidélité indéfectible au parti communiste, à la promotion d’un idéal qui ne peut en aucune manière s’apparenter dans ses fondements au totalitarisme, malgré les tentatives révisionnistes en Europe ou ailleurs.

A la section du parti à Montreuil, elle devient dactylo. Au comité de ville, elle sera de toutes les causes : accueil à la maison des enfants de mineurs pendant les grandes grèves de 1947, Indochine, Algérie, Angela Davis, et tous les combats internationalistes pour l’amitié entre les peuples, qui sont l’ADN du parti communiste.

Elle participera aussi, et entre autres, bien qu’enceinte de plus de six mois, à la manifestation de Charonne en février 1962, manifestation réprimée par le sinistre Papon et causant la mort de huit manifestants, tous communistes.

Et puis – c’est l’un des traits marquants de son engagement – elle consacrera aussi beaucoup de temps à l’action féministe au sein de l’Union des femmes françaises.

Son engagement pour sa ville de Montreuil l’amènera à exercer les fonctions de conseillère municipale pendant douze années.

Décorée de la médaille militaire, elle fut faite chevalière de la Légion d’honneur en juillet 1990, et il fallut beaucoup de conviction de la part de ses proches pour la convaincre d’accepter.

Mesdames et messieurs, chers amis

Jacqueline Tamanini est de celles dont on dit qu’elles sont de grandes dames. Je peux témoigner ici de l’émotion immense de celles et ceux qui l’ont connue, à Montreuil et dans toute la Seine-Saint-Denis, puisqu’elle fut également présidente départementale de l’amicale des vétérans du parti communiste. Tous le rappellent: Jacqueline était toujours là, dans les luttes pour un monde plus juste, y compris dans l’adversité de la vie qui l’a conduite à vivre le deuil de ses deux filles.

Jacqueline, c’était le courage et, d’après les témoignages de ses camarades de combat, elle avait une telle force, empreinte d’abnégation et d’exigence, qu’elle avait souvent la crainte de ne pas bien faire. Participer à une réunion, distribuer un tract, manifester et transmettre, c’était sa vie.

Nous avons tous en tête le travail qu’elle a accompli au sein du journal départemental La Voix de l’est, cet hebdomadaire d’informations locales, diffusé dans tous les marchés chaque semaine. Elle en assurait la gestion, la parution, le tirage, dans l’imprimerie de Drancy. Elle assura aussi la part rédactionnelle des pages montreuilloises.

Jacqueline nous a montré à quel point la liberté est belle, et que le seul chemin à suivre est celui de l’unité et de l’amour, celui de la recherche incessante du bonheur pour tous.

Comme le disait Aragon: «Quand il faudra fermer le livre, ce sera sans regretter rien. J’ai vu tant de gens si mal vivre, et tant de gens mourir si bien.»

Eh bien, que chacune et chacun le sache, le livre peut se refermer sur Jacqueline, elle ne regrettera rien… car son combat continuera pour tous ces gens qui vivent si mal.

Jacqueline Tamanini fait la fierté du Parti communiste français. Voilà pourquoi j’adresse, au nom des communistes de Montreuil, toutes mes fraternelles amitiés à sa famille. À Olivier, bien sûr, à Daniel, à Sabine, et à tous ses petits-enfants et arrière-petits-enfants.